Votre chien baille... Quand, comment et pourquoi?

J’ai acquis un adorable chiot épagneul français il y a quelques mois. Maintenant âgé de près de 6 mois, son éducation se passe très bien. Il est calme, obéissant, affectueux et enjoué. Ce chien possède un très bon tempérament compte tenue d’un peu de gestion que nous devons faire avec mon fils de 5 ans! En effet, il envahit son espace régulièrement malgré mes interventions parce qu’il aime jouer avec son ami canin.
J’ai remarqué récemment que pitou baille vraiment souvent dans la journée à tout moment. Ma curiosité piquée, j’ai voulu en savoir plus sur l’expression de ce comportement que je connais déjà en partie.

 

Sa définition

Selon le résumé de Nathalie Tomczyk, qui a fait une thèse de Doctorat Vétérinaire en 2010 : on parle d’une large ouverture de la bouche, de temps respiratoires et d’étirements. Il serait similaire chez toutes les espèces! La durée du bâillement chez le chien serait de 2,3 secondes contrairement de 5 à 10 secondes chez l’humain.

Description des étapes

1.  Ouverture de la gueule et enroulement de bout de la langue (0.75 sec).
2. Rotation du pavillon de l’oreille vers l’arrière et étirement des paupières (0,46 sec).
3.  Étirement du cou en avant et ouverture de la gueule en abaissant la tête (0,43).
4.  Retour à la position de départ, relâchement des muscles de la face, du cou et des oreilles (0,54 sec).

Parfois, un halètement peut s’y ajouter. On peut aussi remarquer que les yeux se ferment. Il peut autant survenir quand le chien est debout, couché ou s’il marche. De plus, les pattes avant sont en extension, le cou et la tête se relèvent, le dos se courbe et les pattes arrière s’étirent.

 

Quand le bâillement survient?

Vous constaterez que le chien peut exprimer ce comportement pendant des activités répétées comme des exercices d’obéissance. Si l’animal ne comprend pas bien les demandes de l’humain, est confus ou si une punition douloureuse est utilisée…

Votre chien peut également bailler en situation de frustration (il ne peut avoir réponse immédiate à un désir ou une récompense attendue). Vous l’observerez souvent en visite chez un vétérinaire ou un toiletteur (en montant et descendant de la table). Aussi, lorsqu’un enfant le serre fort ou s’il subit une manipulation inconfortable ou encore si une dispute éclate dans la famille…

Il peut donc être en lien avec un état de stress ou un conflit émotionnel. Un bâillement lié aux émotions est associé à un individu particulier, il peut être nécessaire pour préciser la place qu’il occupe dans un groupe. Ce qui n’est pas le cas du bâillement de repos qui se manifeste chez tous les individus.
Souvent l’humain le constate quand il apparaît après un repos, suivant le sommeil. Bien qu’il soit aussi pour l’animal une activité de détente, d’apaisement ou un soulagement permettant de canaliser son excitation ou son agressivité.

Un signal d’apaisement ou signe neurovégétatif?

Des scientifiques proposent différentes théories sur la raison et la fonction de ce comportement sans vraiment se mettre d’accord. Quelques spécialistes du domaine animal ont des opinions divergentes sur le sujet.

Turid Rugaas, une éducatrice canine norvégienne très connue dans le domaine animal, a décrit les différents signaux d’apaisement chez le chien. Sa grande expérience a permis à tous de mieux comprendre la communication canine. Elle explique le bâillement comme étant le plus intrigant des signaux d’apaisement.

Elle suggère également de l’utiliser quand votre chien se sent hésitant, stressé, inquiet ou si vous voulez le calmer. Votre bâillement amènera votre chien à y répondre et aura un effet immédiat sur son comportement. La même approche est recommandée pour le chat! Remarquez que vous êtes souvent dans un état de bien-être et de paix après avoir baillé, d’où le rapprochement avec les animaux!

Selon Joel Dehasse, un vétérinaire belge spécialisé en comportement des animaux familiers, il s’agirait plutôt d’un signe neurovégétatif. Un mouvement involontaire qui serait une marque de transition entre différents états biologiques. Un réflexe qui aiderait l’animal à retrouver son homéostasie ou équilibre biologique. Cette homéostasie étant la capacité de l’organisme à maintenir une stabilité de son milieu interne malgré les changements constants de l’environnement. Le bâillement serait selon lui, modifiable en intensité mais on ne peut le stopper. Il ne serait généralement pas un moyen de communication.

Toujours selon le vétérinaire, le bâillement chez le chat serait un signal de substitution (en attendant que ça passe).  On ne parle pas de moyen de communication étant donné que le chat n’est pas une espèce sociale.

Fait impressionnant à noter! Tous les vertébrés peuvent bailler. Excepté la girafe, elle dort très peu (10-60 min/jour) et de manière très irrégulière.

 

Sa contagion

Sachez que le bâillement est contagieux chez le chien et pas seulement chez l’humain. Aussi chez les chimpanzés, babouins, perruches et loups. Il est précisément plus contagieux chez les loups qui sont ‘’amis’’ ou proches-parents. La contagion est liée, selon des études, à la capacité d’empathie des animaux.

 

Ce qu’il en est…

Plusieurs raisons sont évoquées par les scientifiques.  Il s’agirait de réflexe mécanique causé par l’observation d’un bâillement, une reproduction inconsciente des gestes ou attitudes des individus de l’entourage ou bien l’ empathie (capacité à ressentir la même chose que les autres).

Des sujets également abordés par Simon Gadbois (neuro-éthologue réputé spécialisé dans les canidés) lors de sa conférence à Montréal en 2018.
Il y avait fait mention de patrons comportementaux (FAP : fixed action pattern). Comportements spontanés, mouvements instinctifs, pas de différence individuelle, génétiquement programmés…Le bâillement en était un chez l’humain. La question s’était posée au niveau de l’empathie, comportement sous contrôle cognitif ou séquence d’action naturelle… Difficile d’en être sûr.

Étonnamment, le bâillement chez l’humain serait contagieux chez le chien.  Effectivement, il faciliterait l’interaction entre l’homme et le chien afin de favoriser une bonne communication.
Dans les causes de bâillement fréquent, il serait aussi pertinent de regarder du côté de l’ennui (un chien qui n’a pas ses besoins en activité comblés), du manque d’oxygène, de l’anxiété… Étant donné que plusieurs théories vont dans ce sens selon les dires de Dr. Gadbois.

En conclusion

Je vous recommande de faire appel à un intervenant canin ou félin qualifié pour vous aider à mieux comprendre votre animal. Ce professionnel sera en mesure de vous guider si des choses doivent être misent en place pour son bien-être. Vous apprendrez à bien le connaître et à communiquer adéquatement afin d’avoir une relation plus profonde et constructive avec lui!

À la lumière de ces informations, tout chien est probablement capable d’empathie. Il ressent des émotions qu’il tente de démontrer le plus clairement possible dans son langage. Il baille chaque fois qu’il s’est reposé et dans différents contextes où il est inconfortable, inquiet, stressé ou s’il a besoin de se calmer… Ou bien il le fera par réflexe pour retrouver équilibre et son bien-être.

Soyons donc attentifs à son expression pour mieux comprendre ces chiens et chats qui vivent avec nous. Chaque animal a sa personnalité bien à lui et c’est ce qui nous apporte tant au quotidien! Après tout, vous les avez choisis ou eux vous ont choisis! La prochaine fois que votre chien ou chat baille, n’oubliez pas d’en faire autant!

 

Rédigé par Gabrielle Charland
Intervenante en comportement canin et félin

 

Sources :

•  Rugaas, Turid. Les signaux d’apaisement (Les bases de la communication canine). Éditions du Génie Canin, 2006

•  Gadbois, Simon Ph.D, conférence à Montréal en 2018, L’éthologie et la neuro-éthologie des séquences d’action et du comportement social, (canid and reptile  behaviour and olfaction laboratory)

•  Tomczyk, Nathalie, résumé de thèse de Doctorat vétérinaire à l’École nationale vétérinaire d’Alfort, 2010

•  Dehasse, Joel. Tout sur la psychologie du chien. Éd. Odile Jacob, 2009, p.97-98

 

Crédit photo: Raphael Schaller